samedi 30 octobre 2010

Fahrenheit 451 - Ray Bradbury


Je connaissais Ray Bradbury depuis la quatrième pour avoir lu les Chroniques Martiennes, et cela faisait un petit moment que je lorgnais sur Fahrenheit 451. Finalement, j'ai dévoré ce livre presque sans pouvoir m'arrêter du début à la fin.

Guy Montag est pompier. Un pompier qui allume les feux. Dans le monde où il vit, toutes les maisons qui abritent des livres interdits disparaissent dans les flammes et prendre le temps de réfléchir est considéré par la plupart des gens comme une activité inutile, voire néfaste. Pourtant Montag est heureux, ou du moins croit l'être. Jusqu'au jour où il rencontre Clarisse, une jeune fille étrange, qui regarde le ciel, aime marcher à pied, cueille des fleurs et se pose beaucoup de questions. Peu à peu, Montag commence à douter de la justesse de son travail, et réalise l'absurdité du monde dans lequel il vit. En tâchant de comprendre les livres qu'il n'a jusqu'alors fait que détruire, il se retrouvera bientôt dénoncé et traqué comme un criminel.

J'avoue que je ne pensais pas accrocher autant à ce livre. Je ne suis pas une grande lectrice d'oeuvres de science-fiction, et mon souvenir des Chroniques Martiennes, quoique positif dans l'ensemble, n'était pas assez clair pour que je puisse me rappeler du style de Bradbury. Mais cette inquiétude s'est rapidement dissipée, dès les premières pages. L'écriture est fluide, riche et très poétique et elle rend très bien l'atmosphère pesante, déshumanisante de la société où évoluent les personnages. Bradbury utilise fréquemment des accumulations qui font l'effet d'un débit de parole étourdissant, abrutissant et nous donne l'impression d'être noyés sous un flot d'informations trop rapide pour être compris, à l'image de cette société excessive dans la vitesse, le bruit, le conformisme, la censure. Autant que l'histoire, le style dérange, interpelle et nous plonge entièrement dans ce monde improbable et qui ne nous paraît pourtant que trop réaliste.

Le récit de Fahrenheit 451, s'il dépeint une société qui nous semble difficilement concevable, pointe toutefois du doigt un problème qui reste très actuel: la mort de la culture, de la réflexion, au profit d'une production de masse, où ce qui compte est le bonheur immédiat, où les livres doivent se vendre ou disparaître (combien de témoignages d'auteurs dont les livres ont été d'abord rejetés sous prétexte que "ça n'était pas ce que le public demandait...") Comme on le lit très bien dans la préface du traducteur Jacques Chambon (qui a le mérite d'être claire et concise) il existe plusieurs manières de brûler les livres, "l'une d'elles, peut-être la plus radicale étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation."

La société de Fahrenheit 451 est pesante, et le devient de plus en plus au fur et à mesure que Montag ouvre les yeux. Le personnage de Clarisse y apportait un peu de fraîcheur juvénile et j'ai trouvé dommage qu'elle disparaisse aussi rapidement. Heureusement, le personnage de Faber (un nom qui signifie ouvrier, artisan... hasard ou non pour le patronyme d'un homme qui voudrait aider à reconstruire une société de la culture?), s'il se montre plus passif que Clarisse ou Montag est néanmoins très sympathique, sans compter qu'il est moins oppressant de voir Montag soutenu dans son entreprise. D'autant que dans cette société du bonheur artificiel, toutes les relations humaines sont faussées. Il n'y a ni amour dans les couples ni amour pour les enfants, la "famille" n'est autre qu'une réalité virtuelle, envahissante et aliénante et le respect d'autrui est une notion usée et oubliée.

Finalement, Fahrenheit 451 est une lecture à la fois passionnante et très dérangeante, qui, même si elle est une référence directe à la réalité de l'époque de son auteur et la paranoïa du maccarthysme, pose néanmoins une problématique qui reste d'actualité. Le tout est soutenu par la très belle écriture de Ray Bradbury qui parle des livres avec beaucoup de justesse et de poésie. La fin particulièrement, et l'idée de conserver les livres dans la mémoire des hommes m'a parue magnifique. Un classique, en somme, qui se dévore avec plaisir.

Extrait:

"Les livres sont faits pour nous rappeler quels ânes, quels imbéciles nous sommes. Ils sont comme la garde prétorienne de César murmurant dans le vacarme des défilés triomphants: "souviens toi, César, que tu es mortel." La plupart d'entre nous ne peuvent pas courir en tous sens, parler aux uns et aux autres, connaître toutes les cités du monde; nous n'avons ni le temps, ni l'argent, ni tellement d'amis. Ce que vous recherchez, Montag, se trouve dans le monde, mais le seul moyen, pour l'homme de la rue, d'en connaître quatre-vingt-dix-neuf pour cent, ce sont les livres. Ne demandez pas de garanties. Et n'attendez pas le salut d'une seule source, individus, machine ou bibliothèque. Contribuez à votre propre sauvetage, et si vous vous noyez, au moins mourez en sachant que vous vous dirigiez vers le rivage."

3 commentaires:





  1. Je vais bientot le lire pour une lecture commune






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  2. C'est un excellent livre, très bien écrit et qui fait réfléchir, j'espère qu'il te plaira ^^!






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  3. Mon premier Bradbury et un vrai bon moment de lecture. Quel roi de la SF tout de même, créer un univers dénuer de littérature où celle-ci est hors la loi c'est incroyable et cette ouverture sur

    les livres vivants, un hommes gardien de chacun des savoir de la littérature !





    Ma Chronique





    Je viens de finir Chroniques Martiennes d'ailleurs.

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