vendredi 24 mai 2013

Baroque'n'roll - Anthelme Hauchecorne

Suivre le procès opposant un diablotin syndiqué à son sinistre patron, jouer à réveiller les morts, aider deux enfants à se défaire d'un croquemitaine, vous mettre au vert avec le Diable lui-même, grelotter sous les couvertures mitées d'un orphelinat libéral (où seuls les plus forts survivent), vous laisser conter la guerre en Irak par un gremlin antimilitariste…
Un aperçu des voyages auxquels Baroque'n'roll vous convie, quinze nouvelles insolites portées par un rythme effréné, alternant humour et grotesque, merveilleux et fantasy urbaine.
Quinze univers, autant de portes en attente d'être poussées.
Une seule clé.
Celle qui se languit entre vos doigts.

Une découverte très particulière que ce recueil de nouvelles, ma première incursion dans l'univers d'Anthelme Hauchecorne, et un aperçu qui ne m'a pas déçue.

Par certains aspects, ce recueil m'a beaucoup rappelé les nouvelles de Smoke and Mirrors de Neil Gaiman, notamment, pour certaines, le côté glauque, très sombre, sans véritable morale, de courts récits qui laissent souvent beaucoup de questions en suspens. Le style d'Anthelme Hauchecorne est riche et travaillé, et l'on sent que l'auteur affectionne la métaphore et la périphrase (au point qu'elle en deviennent parfois un peu étouffantes, mais si bien tournées que l'on pardonne sans difficulté ce petit défaut.) Il joue avec les mots avec un humour grinçant, une ironie parfois désabusée, ou un humour noir dérangeant.

Toutes les nouvelles appartiennent au fantastique mais cela ne les empêche pas d'aborder des thèmes très différents, avec des inspirations très diverses. Certaines s'inspirent de la mythologie judéo-chrétienne, le jardin d'Eden, l'enfer et le paradis, d'autres de l'univers de Lovecraft, d'autres encore prennent pour cadre l'univers des super-héros, ou tirent leur inspiration de l'univers des contes, mais toujours en les détournant, de façon plus ou moins humoristique, plus ou moins effrayante. Anthelme Hauchecorne nous emmène souvent vers des chutes inattendues, et son style très évocateur rend chacune de ses nouvelles très frappante, que ce soit par leur thématique, les émotions qu'elles suscitent: le rire, la peur, le dégoût parfois, ou encore la perplexité.

Les personnages de ces nouvelles sont tous différents, tous particuliers, depuis le diablotin syndicaliste jusqu'aux superhéros en crise, en passant par le vampire obligé de jouer les baby-sitters ou les résidents torturés d'un jardin d'Eden qui n'a plus rien d'idyllique. D'autres personnages sont des individus en apparence normaux qui vont se retrouver confrontés à des situations ou des créatures parfaitement surréalistes (et rarement s'en sortir indemnes).

Car Anthelme Hauchecorne n'écrit pas pour les âmes sensibles et ne nous épargne rien. Si quelques nouvelles sont effectivement drôles, même s'il s'agit parfois d'un humour teinté de désenchantement, bon nombre d'entre elles sont parfaitement glauques, macabre, voire carrément écoeurantes, et les touches d'humour que l'auteur glisse de temps à autre ont plus des airs de ricanement provocateur que de tentatives de détendre l'atmosphère. L'ambiance de ces quelques nouvelles suscite une angoisse, une terreur, un malaise qui colle à la peau même une fois le livre refermé, et il est préférable d'avoir l'estomac bien accroché pour lire certains passages pas toujours très ragoutants.

Même sans les petites notes du début de l'ouvrage qui racontent la genèse de chacune de ces nouvelles, on sent clairement dans plusieurs récits les influences que j'ai citées plus haut, notamment Gaiman et Lovecraft (en tout cas pour celles qui m'ont sauté aux yeux), ainsi que diverses mythologies. Mais certains récits s'inscrivent également dans un cadre historique plus ou moins récent (la second guerre Mondiale, la Guerre en Irak....) l'auteur puise son inspiration partout, mais l'intègre d'une façon très personnelle à son propre univers, ce qui donne une véritable cohérence à l'ensemble de l'ouvrage tout en donnant à chaque nouvelle une identité propre, aussi bien sur le fond que sur la forme.

En conclusion, dire que j'ai "aimé" ce livre ne me semble pas être le terme exact. Les nouvelles m'ont presque toutes fait réagir d'une façon ou d'une autre, elles m'ont laissée parfois écoeurée, parfois perplexe, elles m'ont fait rire, frissonner, grimacer, elles m'ont donné la chair de poule ou le sourire. On prend du plaisir à cette lecture (et le style riche et fluide d'Anthelme Hauchecorne y est pour quelques chose) mais c'est un plaisir qui est parfois plus proche d'une sorte de fascination morbide, du plaisir de se faire peur. Les nouvelles d'Anthelme Hauchecorne ont quelque chose à la fois de repoussant et de jubilatoire, aussi bien dans leur style que dans les thèmes abordés ou les personnages mis en scène. En définitive, ce recueil ne m'a certainement pas laissée indifférente et c'est ce qui en fait une excellent découverte. J'ai été enchantée de cette première rencontre avec le style et l'univers d'Anthelme Hauchecorne qui me donnent bien envie de me plonger dans ses deux autres romans, La Tour des Illusions et Âmes de Verre qui sont d'ores et déjà dans ma PAL!

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