mardi 13 septembre 2016

Le Rendez-Vous (Littéraire!?) de Minidou et Marmotte, Chapitre 5 : Vol de Nuit - Antoine de Saint-Exupéry


Et voilà le Rendez-Vous Littéraire de Minidou et Marmotte qui reprend du service après une loooongue absence. Pour cette édition, nous avons choisi de nous attaquer à un auteur contemporain, Antoine de Saint-Exupéry et à l'un de ses romans les plus connus en dehors du Petit Prince : Vol de Nuit. C'est un roman qui se lit très rapidement, mais qui ouvre malgré tout plusieurs pistes de réflexions, tout en étant très joliment écrit.

Ainsi les trois avions postaux de la Patagonie, du Chili et du Paraguay revenaient du sud, de l'ouest et du nord vers Buenos Aires. On y attendait leur chargement pour donner le départ, vers minuit, à l'avion d'Europe.
Trois pilotes, chacun à l'arrière d'un capot lourd comme un chaland, perdus dans la nuit, méditaient leur vol, et, vers la ville immense, descendraient lentement de leur ciel d'orage ou de paix, comme d'étranges paysans descendent de leurs montagnes.
Rivière, responsable du réseau entier, se promenait de long en large sur le terrain d'atterrissage de Buenos Aires. Il demeurait silencieux car, jusqu'à l'arrivée des trois avions, cette journée, pour lui, restait redoutable.

Le style de Saint-Exupéry est, tout comme dans Le Petit Prince, poétique, fluide et rythmé, et l’on sent que chaque mot est choisi avec beaucoup de soin. Il s’attarde en particulier sur les descriptions de l’état émotionnel des différents protagonistes, et l’on a sans cesse un va et vient entre deux échelles de grandeur très différentes : d’une part le gigantesque, l’immensité, et de l’autre l’échelle humaine, l’individuel, l’intérêt particulier. Ces deux dimensions se trouvent en conflit perpétuel au cours du récit.

Constamment, l’auteur met en regard le caractère inexorable des éléments naturels contre lesquels il est impossible de lutter (les montagnes, le ciel, la tempête, la nuit) et la volonté, la ténacité des pilotes et de toutes les personnes au sol qui suivent leur progression, qui paraissent minuscules et insignifiants en comparaison. A plusieurs reprises, notamment dans les moments où les éléments ont le dessus, l’auteur s’attarde sur des détails : la lumière, les mains, comme un moyen d’ancrer le récit dans la dimension humaine, d’éviter de se perdre dans cette immensité, tout comme le pilote qui doit retrouver le cap.

Métaphoriquement, cette mise en regard fait écho à l’importance du réseau des avions postaux, et aux dangers que sont prêts à affronter les individus pour que leur mission soit menée à terme. Cette contradiction s’incarne dans le personnage de Rivière, personnage pivot de ce récit, qui doit à la fois gérer une organisation qu’il estime plus grande que lui et que tous les individus qui la composent, mais qui doit également faire face au côté humain, émotionnel de sa position.

Ce personnage, d’un point de vue strictement extérieur, pourrait paraître inhumain, voire cruel, mais tel qu’il est décrit, on ne peut s’empêcher de ressentir au contraire une certaine admiration pour sa force de caractère, et même beaucoup d’empathie pour lui lorsqu’il fait part de ses doutes et de sa solitude. Les pensées qui nous sont ici dévoilées par la narration révèlent une sensibilité de poète, mais qu’il doit déguiser pour pouvoir mener à bien sa mission (gérer le trafic des avions postaux) et défendre ses convictions (le maintien des vols de nuit et les risques qu’ils impliquent et dont il a la responsabilité.)

Bref, j'ai pour ma part été particulièrement frappée par le style de l'auteur, l'écriture poétique et les effets de contraste qui se retrouvent tout au long du récit, et j'ai dans l'ensemble été charmée par ce roman en dépit de son thème finalement assez froid et rude.

Ma co-lectrice Marmotte n'a quant à elle pas tout à fait été frappée par les mêmes choses que moi, je vous invite donc à aller lire sa chronique qui aborde l'oeuvre d'un point de vue un peu différent.


Voilà pour cette première édition de la nouvelle mouture de notre Rendez-Vous Littéraire. La prochaine édition aura lieu (si tout se passe bien) dans trois mois. Vous pouvez essayer de deviner quelle sera notre prochaine lecture avec ce petit indice: il y sera question de bergers et de bergères!


2 commentaires:

  1. J'ai dû être frappée par les mêmes choses que toi puisque des années après la lecture c'est aussi ce qu'il m'en reste. Du coup, je trouve ta chronique très vraie… et file lire celle de Marmotte.

    Des bergers et des bergères ? vous allez lire une pastorale du XVIIIe ?

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    1. Merci ^^ je suis contente de voir que mon ressenti sur ce livre est partagé :D. Concernant l'indice... hum, tu brûles, mais ce n'est pas tout à fait ça :P.

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